L'ELYSEE OBSERVE AVEC PRUDENCE L'ASCENSION DE DOMINIQUE DE VILLEPIN
Que penser de l'ascension fulgurante de Dominique de Villepin dans les sondages et dans les médias ? Cette question provoque chez certains proches conseillers de Jacques Chirac des réponses fantaisistes, destinées à noyer le poisson. Et si l'on insiste, au-delà de cet humour poli : "C'est un sujet dont on ne parle pas."
La prudence est de mise à l'Elysée, au moment où s'ouvrent, lundi 19 septembre à Evian (Haute-Savoie), les journées parlementaires de l'UMP. Maurice Ulrich, l'un des plus anciens conseillers du président et ancien sénateur, s'y trouve, pour "écouter, participer aux réunions de travail" . Et observer les réactions des élus de droite à l'égard du président du parti, Nicolas Sarkozy, et du premier ministre, tous deux considérés comme présidentiables.
Depuis l'hospitalisation de M. Chirac, la guerre de succession a pris une vigueur nouvelle. Et elle menace d'empoisonner la fin de quinquennat d'un président déjà affaibli par le non au référendum du 29 mai. Les sondeurs l'ont dit à l'Elysée : l'opinion est ulcérée par ce match Villepin-Sarkozy, alors que la préoccupation numéro un reste l'emploi et que le mécontentement social peut éclater à tout moment.
A Matignon, où on a perçu ce malaise, le profil bas est le nouveau mot d'ordre : la "parenthèse présidentielle" de Dominique de Villepin est "refermée" . "Tout refonctionne normalement et le président de la République est plus que jamais aux commandes" , affirme Matignon. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, qui a d'ores et déjà choisi le camp Villepin, affirme : "Il ne cède pas à l'emballement, il n'est pas en train de fondre les plombs. Pour autant, il ne fera jamais profil bas, il est très déterminé" .
Cependant, le président l'a dit en sortant du Val-de-Grâce : "Je suis heureux de rentrer chez moi." "Chez moi" , c'est-à-dire à l'Elysée, où il entend exercer jusqu'au bout et à plein, le rôle institutionnel fort qui est le sien. M. Chirac s'est fait un plaisir, samedi, de montrer aux visiteurs de l'Elysée, à l'occasion des Journées du patrimoine, à quel point il était bien là. Il présidera, mardi 20 septembre, le deuxième conseil d'orientation pour l'emploi, signe de son retour sur la scène intérieure. Et M. de Villepin ne sera là que pour le seconder. "A sa juste place" , jure-t-on à Matignon.
Car si l'ascension de Dominique de Villepin dans les sondages permet de rendre la candidature de Nicolas Sarkozy moins inéluctable, elle jette aussi une ombre sur son mentor lui-même. Puisque M. Chirac a désormais un successeur, c'est donc qu'il est prêt à passer la main. Bernadette Chirac, bien consciente du problème, a voulu balayer cette hypothèse. Jeudi, dans l'Oise où elle venait soutenir l'UMP Eric Woerth, elle a lancé : "Les Chirac ne sont pas morts." Et chacun, à l'Elysée, rappelle que si M. de Villepin occupe Matignon, il ne le doit qu'à un seul homme : Jacques Chirac qui l'a nommé.
OPÉRATION SÉDUCTION
Mais au sein même de la droite, chacun a bien compris que le pouvoir s'est en partie déplacé. Sous Jean-Pierre Raffarin, l'Elysée gardait la haute main sur la conduite de la politique intérieure. Les conseillers du président avaient parfois autant de poids que le premier ministre.
Aujourd'hui, M. de Villepin, au contraire, assume l'essentiel de ses pouvoirs. Certes, au palais, comme chez les élus chiraquiens, on se réjouit qu'il ait réussi, en trois mois, à améliorer une situation assez délétère après le non au référendum.
A la rentrée, le couple exécutif est remonté dans les sondages. "La situation du gouvernement est meilleure qu'en juin, meilleure qu'on ne pouvait l'espérer" , souligne ainsi le très chiraquien ministre de la fonction publique Christian Jacob. "On réussit si Villepin réussit. C'est sur lui que le président a misé" , comme le dit un de ses conseillers. Et chacun de louer la relation de confiance totale qui prévaut entre le chef de l'Etat et son premier ministre. Et si quelqu'un peut s'opposer à Nicolas Sarkozy, qui n'a cessé de fustiger "le modèle social français" , c'est aussi lui.
Fort de cette mission et de sa nouvelle popularité, le premier ministre s'est envolé pour Evian, lundi 19 septembre, avec la ferme intention d'y exercer l'une de ses principales prérogatives : celui de chef de la majorité. Comme à La Baule, lors des journées des jeunes populaires, il a l'intention de voler la vedette à M. Sarkozy.
Ce dernier s'agace de cette opération séduction que le premier ministre mène avec habileté depuis son arrivée à Matignon. Samedi 17 septembre, à Bourges, il a critiqué publiquement "ceux qui n'ont pas été capables de se présenter à une élection" .
M. de Villepin affiche en public un certain détachement. Mais une partie de son entourage s'imagine déjà aux présidentielles et accrédite l'idée que si M. Sarkozy répond par des mesures ponctuelles aux problèmes des Français, le premier ministre, lui, a "une vision globale pour la France. " "Villepin se fout de 2007, il veut rester dans l'histoire comme un très bon premier ministre" , jure-t-on à Matignon. Tout reste à faire.
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt