VILLEPIN DANS LE CERCLE DE CONFIANCE - 4ème partie

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Villepin dans le "cercle de confiance"
4ème partie

 

Sur le fond, pourtant, la pensée politique de Dominique de Villepin reste mystérieuse. Il prend peu de positions incorrectes. C'est un homme de droite classique, lyrique dans ses discours, assez conservateur sur le fond. Il peut tenir, comme la plupart des responsables de la droite d'alors, un discours vaguement libéral mais sa conception jusqu'à aujourd'hui de la société française est tout ce qu'il y a de plus étatiste. Il ne manque pas de courage : il assume étroitement les mesures impopulaires que prend Alain Juppé, qui augmente les impôts pour réduire les déficits. Et écarte brutalement le secrétaire général adjoint de l'Elysée, Jean-Pierre Denis, qui militait pour réorienter la politique suivie par Matignon vers plus de libéralisme.

Avec les élus ? Il est épouvantable. Il clame devant tous ceux qui le rencontrent le peu d'estime dans lequel il tient les députés : "Ils ont un organe plus développé que les autres, c'est le trouillomètre. Heureusement qu'ils n'ont aucun pouvoir !" Devant les journalistes, il dresse sans sourciller la liste de ceux qu'il estime ­ deux ou trois noms tout au plus ­ et celle des "connards" , infiniment plus fournie.

Il est de ceux qui poussent Jacques Chirac à ne pas entamer la réconciliation avec les balladuriens, dont il rit, avec son incroyable verve en évoquant leur échec de 1995 : "Ceux-là, on les a baisés avec du gravier !" Qu'en langage fleuri ces choses-là sont dites...

La suite est connue. La volonté de maintenir à tout prix le duo que forme le président avec Alain Juppé, le mépris qu'il a des élus, le succès qu'il rencontre auprès des élites, le pousseront à être l'un des artisans de la dissolution catastrophique de 1997.

Que reste-t-il de ces années-là ? Curieusement, elles n'ont en rien entamé le goût que Jacques Chirac a pour lui. Les deux hommes s'estiment profondément et se séduisent mutuellement. Des années plus tard, Villepin, en campagne pour le référendum sur la Constitution européenne, s'est mis à copier les gestes du président. Distribuant les baisers et s'essayant à la blague. Tout à son goût du théâtre, il admire le grand fauve de la politique, "son côté Don Quichotte" , dit-il.

Chirac, lui, sait ce qu'il lui doit. L'organisation de la contre-offensive à destination des juges qu'il a fallu toutes ces années tenir à distance d'un Elysée qui paraissait cerné. La gestion politique d'une cohabitation difficile avec Lionel Jospin. La théorisation d'une politique parfois tâtonnante. L'incarnation de sa politique étrangère et de son opposition à la guerre en Irak. La maîtrise des informations sensibles. La mise en musique d'une stratégie.

Même au gouvernement, Dominique de Villepin n'a jamais cessé d'être l'un des plus proches conseillers du président. Le seul ministre à venir à l'Elysée pour préparer les interventions présidentielles les plus délicates. Avec lui, Jacques Chirac a le sentiment d'avoir une cote de maille qui atténue les coups les plus durs du pouvoir. "Nous avons des relations qui se situent très largement en dehors de la politique, résume Villepin. Je suis têtu et physique. Lui est un homme qui accepte de s'entendre dire des choses difficiles et je n'ai jamais été un conseiller simplement conseillant. J'ai toujours défendu mes convictions."

C'est aussi ce qui promet une guerre difficile avec Nicolas Sarkozy. Ces deux-là ont une relation explosive. Un an après la présidentielle de 1995, Villepin jurait avec fougue : "On n'a pas besoin de lui ! On se fout de Sarkozy ! Il ne pèse rien !" Lorsqu'il a vu Nicolas Sarkozy survivre à l'humiliation de la défaite et rester l'un des rares, à droite, à fournir des idées, il a changé du tout au tout. C'est même lui qui a organisé cette drôle de réconciliation avec le président, en prévision de l'élection présidentielle de 2002. "Nous avons une relation, comment dire... audacieuse. Il a des qualités, un talent, ce serait dommage de s'en priver" , jure Dominique de Villepin aujourd'hui. "Il ne m'aura pas" , grince Nicolas Sarkozy. Ils se voient, se jaugent, se disputent pied-à-pied. Dominique de Villepin peut parfaitement reconnaître, à la suite du président de l'UMP que "le meilleur modèle social n'est pas forcément d'avoir 10 % de chômeurs" . Mais il est déjà décidé à faire avec Nicolas Sarkozy ce que Jacques Chirac a fait avec Edouard Balladur : le repousser sur la droite de l'échiquier politique. Convaincu que les Français abhorrent le libéralisme.

A Matignon, le nouveau premier ministre croit surtout qu'il peut incarner cette image d'une France orgueilleuse et puissante. "Lever la chape de peur qui étouffe les Français" , dit-il. Il ne doute pas un instant de sa réussite même si au fond il est assez seul. Sans le soutien des parlementaires. Sans celui de l'UMP, présidée par Nicolas Sarkozy. Il dit qu'il n'a rien à perdre : "En politique, il faut suivre le fil à plomb de sa conscience."

Sources : LE MONDE

Posté par Adriana Evangelizt

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