VILLEPIN : L'APPEL DU 27 JUILLET

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Deux mois et déjà toutes ses dents

Villepin : l'appel du 27 juillet

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Surfant sur l'affaire Danone, il a retrouvé son parler naturel : fortement gaullien. Au risque, après des débuts dans la sobriété, de paraître céder de nouveau à la griserie du verbe

Villepin : l'appel du 27 juilletA son arrivée à Matignon, à la fin du mois de mai, Dominique de Villepin avait surpris. Flamboyant ministre des Affaires étrangères puis de l'Intérieur, il s'était mû en Premier ministre besogneux, uniquement attaché à l'amélioration de la situation de l'emploi avec un scrupule quasi notarial. Le 27 juillet, à l'occasion de sa seconde conférence de presse, le vrai Villepin, sûr de lui-même et dominateur, est réapparu: drapeau tricolore au vent, il s'est posé avec emphase en champion de «l'intérêt général de la France». «Je crois en ce pays, j'aime ce pays», a-t-il lancé, allant jusqu'à forger un nouveau concept, le «patriotisme économique». Quant à la petite classe majoritaire, elle a dorénavant un patron. Le Premier ministre a distribué avec autorité bons et mauvais points: un satisfecit pour Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur et président de l'UMP, un zéro pointé pour François Bayrou, le président de l'UDF.


Manifestement, le costume de superministre des Affaires sociales qu'il avait revêtu dans un premier temps est vite apparu un peu étroit à Dominique de Villepin. Surfant sur l'affaire Danone, il a retrouvé son parler naturel: gaullien, fortement gaullien. «Je souhaite rassembler toutes nos énergies autour d'un véritable patriotisme économique», a-t-il martelé, s'engageant à défendre «nos intérêts économiques nationaux» et à «renforcer l'indépendance de nos entreprises». Un véritable appel du 27 juillet! Tout au long de l'affaire Danone, la différence de ton a été sensible entre Matignon et Bercy. Le ministre de l'Economie, Thierry Breton, a mis en avant les responsabilités des chefs d'entreprise et le caractère inéluctable de la mondialisation. Le Premier ministre a, au contraire, vu dans l'épisode l'occasion de célébrer l'indépendance nationale et d'esquisser un retour à la politique industrielle, comme au bon vieux temps du général de Gaulle.


«Il n'y a rien de changé. Le fil rouge de notre politique, c'est la lutte contre le chômage: il s'agit de défendre les entreprises françaises pour défendre les salariés français», assure un proche conseiller de Dominique de Villepin. Les ordonnances pour l'emploi ont été adoptées par le conseil des ministres du 2 août. Mais le chef du gouvernement est bel et bien soucieux d'«élargir sa palette» pour camper un personnage à mi-chemin du laisser-faire libéral et de l'interventionnisme étatique. «Il prône un patriotisme intelligent qui respecte les règles de l'économie de marché», jure Valérie Pecresse, l'une des porte-parole de l'UMP.


Dans la majorité comme dans le patronat, des voix se sont élevées pour exprimer leur scepticisme devant la construction d'une ligne Maginot fantasmatique: «On ne peut pas se réjouir lorsque Pernod Ricard rachète un groupe britannique et dire en même temps qu'une société étrangère n'a pas le droit de racheter un groupe français», a ainsi déclaré Patrick Ricard, le patron de Pernod Ricard, au «Financial Times Deutschland». Des propos de bon sens qui n'entament en rien la conviction du Premier ministre: après la victoire du non au référendum européen, les Français seraient prêts à entendre un discours teinté de souverainisme: celui qui lui a toujours brûlé les lèvres.


Ce faisant, le Premier ministre prépare une double rupture. D'abord avec Jacques Chirac. Les deux hommes sont proches, et cette proximité explique la nomination de Villepin alors que les députés de droite souhaitaient la désignation de Nicolas Sarkozy. Mais cette proximité ne doit pas faire illusion. Chirac a longtemps hésité avant d'appeler Villepin: il sait que l'homme croit en son destin et qu'il peut devenir incontrôlable. Le nouveau Premier ministre tient pour sa part en privé un langage sévère pour le président de la République, qu'il juge à la fois versatile et usé. Plus rad-soc que gaulliste! Villepin a été choqué que Chirac maintienne aussi longtemps à Matignon Jean-Pierre Raffarin, à ses yeux indigne d'occuper la fonction de Premier ministre. Son souhait est d'imposer au président une véritable cohabitation, dans laquelle Matignon reprendrait le pas sur l'Elysée.


La deuxième rupture, c'est avec Nicolas Sarkozy. Le ministre de l'Intérieur s'est posé en pourfendeur du «modèle social français». Le Premier ministre souhaite au contraire apparaître comme son meilleur défenseur: tout ce qui est «français» est «villepiniste». A Bercy, Sarkozy a montré qu'il pouvait lui aussi se muer en avocat des entreprises tricolores. Mais en prônant carrément un «patriotisme économique», le Premier ministre espère rafler la mise: le président de l'UMP aurait un discours trop proche de la vulgate libérale à l'anglo-saxonne pour apparaître comme un véritable patriote. Convaincu que Sarkozy se positionne trop à droite pour être élu président de la République en 2007, Villepin peut se payer le luxe de le défendre. Lors de sa conférence de presse, il a ainsi assuré qu'on «faisait un mauvais procès» au ministre de l'Intérieur en estimant qu'il avait, en creux, le 14 juillet, comparé Chirac à Louis XVI. Pour Villepin, ce ne serait que ragots de journalistes, alors que Sarkozy a osé le parallèle dans son discours officiel aux policiers qui avaient participé au défilé. Le raisonnement du Premier ministre est limpide. Il croit devoir sa meilleure cote dans les sondages notamment au fait d'apparaître comme l'anti-Sarkozy: plus maîtrisé. Inutile, donc, de souligner l'incongruité du 14 juillet, «régicide» de son ministre. D'autant qu'en choisissant Chirac comme tête à couper, celui-ci se comporte comme son meilleur allié.


François Bayrou n'a pas droit à la même indulgence. Il est vrai que l'UDF compte passablement moins de députés que l'UMP... Alors même qu'il n'avait pas été interrogé sur le président de l'UDF, Villepin a tenu à lui délivrer un carton rouge, le 27 juillet. Mêlant une arrogance assez naturelle chez lui à un esprit potache, pour le coup assez peu digne d'un Premier ministre, il a rappelé à Bayrou le numéro du standard de Matignon: 42-75-80-00. La faute du président de l'UDF? Avoir critiqué dans la presse la privatisation annoncée des autoroutes sans lui en avoir parlé préalablement. Comme si Nicolas Sarkozy le tenait préalablement informé de toutes ses initiatives!


Jusqu'ici, Dominique de Villepin a remarquablement réussi à brouiller les cartes. «On l'attendait dans le verbe, il s'est positionné sur l'action», se réjouit un proche. Après s'être longtemps plaints de sa morgue, les parlementaires de l'UMP louent aujourd'hui sa «modestie»! Le Premier ministre participe à toutes les réunions du groupe, écoute toutes leurs doléances en prenant force notes. Son rappel à l'ordre à François Bayrou montre toutefois que sa patience à des limites et que son impatience ne demande qu'à s'exprimer. Commençant déjà à flirter avec l'autocélébration, il s'est exclamé, lors de sa conférence de presse, la mine épanouie: «Il y a quelque chose de changé en France!» Pour lui, sûrement: il est devenu Premier ministre. Mais pour le commun des Français, parler de changement est pour le moins prématuré. Voulant croire qu'il ne sera jamais élu président de la République, les chiraquiens aiment à répéter que «le plus sûr ennemi de Sarkozy, c'est Sarkozy lui-même». Nul doute que la maxime vaille tout autant pour Dominique de Villepin.

Sources : NOUVEL OBSERVATEUR

Posté par Adriana Evangelizt

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